Je me retrouve confrontée à ce que je tente d’éviter depuis que je suis partie. Je pensais le passage à l’indépendance beaucoup plus compliqué, et finalement non, je suis arrivée à Paris, et les papiers, et toutes les choses se sont faites.
Je retourne à la maison, je suis heureuse de retrouver maman et Claire, et là, quelque chose bloque. Que se passe-t-il ? Tout d’abord, se retrouver à dire ce que l’on fait, à faire une sorte de bilan, et à côtoyer ceux que l’on voyait avant. Ils n’ont pas ces problèmes d’argent, ils en sont loin. Je parle de l’argent, car cette réalité m’a sauté au visage et me perturbe au plus haut point. Comment faire sans argent ? Comment comprendre que c’est l’argent qui régit tout dans la vie, qu’il est maître de tout et que je doive me soumettre à lui ? je suis tellement déboussolée, surtout lorsque je suis ici. Je me rends compte que mes amies sont chez leurs parents et qu’elles évitent un grand nombre de choses contraignantes à faire, et que d’ailleurs, elles ne se rendent même pas compte. Je ne m’en rends pas compte quand je suis seule, car il faut le faire : s’il manque du dentifrice, il faut aller l’acheter, s’il manque ci, et une enveloppe, et un timbre, il faut le faire soi-même. En soi, ce n’est pas gênant, car on ne retrouve confronté à la nécessité. Mais de retour à la maison, on se rend compte que l’on est dans le même contexte qu’avant, mais que les choses ont changé. Et oui, il faut se payer les choses soit même, il faut se confronter à tout cela, alors qu’on confond le temps d’avant et le temps actuel, et que du coup, on ne se trouve plus dans ce rapport de nécessité, mais on se trouve plutôt dans un rapport d’obligation, qui est tout de suite beaucoup plus désagréable. J’ai pas envie…
Je sens que je flanche. J’ai peur quand je suis ici, je ne veux pas grandir, je ne veux pas affronter toutes ces difficultés. Tout à l’heure, en me rendant compte du nombre de choses que je dois acheter, ça m’a fait peur, j’ai eu envie de fondre en larmes, et de dire « s’il te plait maman, aide moi, ne me laisse pas me débrouiller toute seule ». Et bien si, il faut le faire et c’est vraiment effrayant. Je sens que là, j’ai peur de rentrer dans ce monde, et il est peut-être plus sain pour moi d’être seule et de me retrouver face à la nécessité et à aucune autre possibilité. C’est mauvais, et ça me fait très peur. Je me rends compte de cela et j’ai envie de fondre en larmes. Je vois dans le même temps mon amour en Bretagne avec sa femme, et je ne supporte pas qu’ils soient ensemble constamment. Je ne supporte pas, je ne sais pas si c’est le mot, car en réalité, je le supporte, mais je le supporte mal, car je ne pense pas au reste, notamment aujourd’hui où je reste chez moi à ne rien faire. Je voudrais profiter du temps avec lui, profiter des vacances, mais je ne peux pas. J’ai peur. Grandir, c’est effrayant, ou bien y être plongé totalement, sans retour en arrière. Mais qu’il est difficile d’affronter la vie seule, et sans le soutien de son ami. Que sera mon installation en appartement ? Qu’est-ce que cela donnera ? Est-ce que je serai véritablement seule ? oui ! je ne dois pas me faire de film, je serai seule, toujours seule, je n’aurai qu’à m’en prendre et m’en remettre à moi-même. Ce n’est pas mauvais en soi, simplement que psychologiquement, c’est difficile, car on a besoin du soutien de la personne que l’on aime. Si tu savais combien je t’aime josé. Le futur n’est pas prévisible, pensons au présent, mais comment se satisfaire du présent quand il est insupportable parfois ? Le présent avec toi, oui, c’est génial. Le présent sans toi, c’est faire face aux angoisses, à la réalité qui m’effraie. Les crises reprennent ici, mais pas du tout de la violence, simplement vomir, pour pas grossir, mais surtout par la non volonté d’accepter les choses, d’accepter la réalité. J’ai peur de rester ici, je vois que je suis sur le bord d’une falaise qui est dangereuse pour moi. Je veux faire ce qui me plait, mais en même temps, ces contraintes sont difficiles à accepter quand je vois que les autres n’y sont pas confrontés. Je ne peux pas tout lâcher, ce n’est pas possible, je veux réussir, mais si j’étais ici, c’est ce que je ferai, et je le sais consciemment.
Je viens de lire une partie de « la musique » d’un auteur japonais et il me renvoie directement à ces craintes-là, à travers cette mythomane qui refuse d’accepter la réalité, et qui ne parvient pas à « entendre la musique », à éprouver du plaisir sexuel. Pourquoi le mensonge ? n’est-ce pas là une négation de cette réalité que l’on n’accepte pas ? une réalité que l’on compose à sa guise, pour éclairer la réelle ? Ce livre m’intrigue plus qu’il n’y parait au premier abord. Je me rends également compte que lorsque je laisse place à la pensée, aux flots de pensées qui m’assaillent, je me retrouve submergée par une prise de conscience que je refuse, et qu’il faut que je sois assaillie de contraintes et de choses réelles pour ne pas flancher complètement, et me sentir totalement envahie par le gouffre de ma réalité. J’ai peur, mais comment faire partir cette peur ? je n’arrive pas à l’effacer, à la gommer, et pourtant j’aimerai. J’ai besoin d’en parler, de parler, mais ce n’est pas un problème en soit de ne pas accepter de grandir, de voir la réalité, mais en parler, trouver des interprétations, peut-être différentes, acceptables ou non, complexes ou non, mais je voudrais ne pas être confrontée à cette réalité. En même temps, si je perds pied, que puis-je faire ? Cette réalité me permet de ne pas vivre uniquement dans ce qui me plait, dans ce que j’aime. Mais pourquoi donc est-ce que je déteste tant les contraintes ? Les gens les supportent bien eux, sans se plaindre. Serais-je donc plus capricieuse que la grande majorité des personnes ? C’est possible, mais je n’en ai pas le sentiment. La possibilité que j’envisage ici ne m’effleure pas même l’esprit à vrai dire, c’est faux, je n’ai pas du tout l’impression d’être capricieuse, ou du moins plus capricieuse que la majorité des gens. J’ai peur. Je me retrouve face à des angoisses insupportables et qui ont presque jusqu’à des répercutions physiques sur mon organisme. Je ne veux pas essayer de les contrer à coup de médicaments, à quoi cela servirait-il ? A les cacher d’autant plus ? Non, je préfère les affronter, mais j’ai très peur. Dans ma réalité, celle où je suis à Paris, sous la nécessité, je me dois de les affronter, car si je commence à les écouter, je risquerai de tomber. Aller consulter un psychiatre, oui, je serai pour, mais j’ai aussi très peur du verdict et de l’entretien de la maladie que cela pourrait générer chez moi. J’ai peur qu’en y allant, je ne me satisfasse d’une certaine manière de mon mal-être face à ma réalité, face à ma situation qui est complexe, et face à mes considérations intérieures. J’ai peur, j’ai toujours peur. J’ai aussi une peur secrète, qui n’est pas forcément très secrète mais qui est plutôt énigmatique pour moi : et si je dépassais la raison. Et si je laissais aller mon inconscient… je sais, par je ne sais quelle intuition, que je m’y perdrais. J’ai toujours cette impression vertigineuse d’être au milieu de deux mondes qui se croisent et dont j’ai peur : la réalité, mais je ne m’y plonge pas tout à fait, et face aux angoisses de cette réalité, le monde des pensées, celui qui me submerge et qui me fait également très peur. Je libère un flot de mots parce qu’ils se choquent et s’entrechoquent dans ma tête sans que je ne parvienne à les organiser. Même mon langage est soumis à la raison qui contrôle tout. Je change un mot parce que celui-ci fait mieux, il est plus adapté dans la phrase. Mais pourquoi le remplacer ? Après tout, il m’est venu en premier, pourquoi le changer, je ne veux pas le changer, si ce n’est par souci esthétique…grrr.. ;réfléchir me fatigue, j’arrête.